Géographe de formation, fils de garde-forestier et guide nature à ses heures, Sylvain Trigalet, a fondé la coopérative Pressoir d’Hortus avec son frère et sa compagne. Le projet a pris corps au sein de la ferme qu’il a acquise en 2016, à Wellin, dans la province du Luxembourg. « Nous avions envie de nous investir dans une entreprise qui lie agriculture, territoire et développement d’outils de transformation », raconte-t-il.

Ranimer les anciens savoirs

L’implantation d’un pressoir à Wellin répondait à un besoin : les habitants de la région devaient jusqu’alors parcourir de nombreux kilomètres pour récolter le jus de leurs fruits. « La grande plus-value du projet, c’est qu'on valorise la matière première des gens, celle qui se trouve dans leur jardin. Ils viennent avec leurs fruits et repartent avec leur jus. » Mais voilà, le pressoir a aussi un inconvénient : il ne fonctionne que huit semaines par an, du 1er septembre au 31 octobre. Pour que l’activité puisse être rentable, les trois complices devaient donc développer d’autres services, en accord avec leur ADN.

« Presser le fruit n’était pas ce qui nous intéressait le plus. Ce que nous voulions, c’était redévelopper l’écosystème verger, c’est-à-dire les liens entre l’herbe, la pâture, l’arbre, les fruits et l’homme. Nous voulions revaloriser les anciens savoirs. » Le Pressoir d’Hortus proposera dès lors un accompagnement complet et personnalisé (plantation, taille, entretien, suivi, conseils…) pour les propriétaires de vergers ou ceux qui voudraient le devenir. « Nous avions envie d’aider les gens à récréer des vergers haute tige. Il faut avoir des connaissances pour se lancer ; nous voulions être cet interlocuteur unique qui permet de renouer avec cette écologie-là. » 

Un capital de départ restreint

Une fois le business plan trouvé, encore fallait-il réunir les fonds. À eux trois, les fondateurs possèdent un capital de départ limité : 15.000 euros. Or, pour se lancer et acquérir le matériel de base, entre 100.000 et 120.000 euros sont nécessaires. Dans un premier temps, Sylvain, son frère et sa compagne décident donc de rassembler des coopérateurs au sein de leur noyau familial. « Ils ont dit « ok » même s’ils ont aussi pensé qu’on était un peu dingues… »

Ces 17 premiers coopérateurs permettront de rassembler 50.000 euros et de créer la société. « Nous voulions que l’outil appartienne à tout le monde. Mais le modèle de la coopérative s’est aussi imposé parce qu’il permet de faire fluctuer le capital très facilement », poursuit Sylvain Trigalet. Dans une coopérative, il est en effet possible de revendre ses parts de manière simple. Il n’est pas nécessaire de repasser devant le notaire à chaque fois que le capital est modifié. Cette souplesse apparaît d’autant plus importante dans le secteur du fruit, très dépendant du climat, avec des récoltes variables d’une année à l’autre.

Image retirée.pressoir hortus

« Dans le modèle coopératif, le stress de l’incertitude peut être en quelque sorte dilué sur l’ensemble des coopérateurs : quand il n’y a pas bénéfices, il n’y a pas de dividendes à distribuer. Pour le dire autrement, quand ça va mal, tous les coopérateurs sont solidaires et quand ça va bien, tout le monde en profite ! Le principe est très différent dans une banque où, quand ça va mal, il faut quand même rembourser chaque mois. »

Investir à hauteur des besoins

Grâce à de bons outils de communication (campagne de crowfunding, réseaux sociaux, graphisme…), le Pressoir d’Hortus a réussi à réunir à ce jour quelque 60 coopérateurs.  W. Alter a pour sa part investi 40.000 euros : le compte était bon… « En début de saison, il faut par exemple investir 8.000 euros en bouteilles de verre. Il faut donc avoir les reins solides en termes de trésorerie. Si à un moment on voit qu’on a besoin d’un nouvel investissement, on ouvrira un nouvel appel à l’épargne et on activera nos réseaux. Mais globalement, on préfère se débrouiller avec ce qu’on a plutôt que de surinvestir. Tant qu’il n’y a pas de besoin, on n’investit pas pour investir. » 

Outre l’aspect financier et d’accompagnement, le soutien de W. Alter intervient aussi comme une garantie de sérieux. « D’ici 6 à 10 ans, on va devoir rembourser W. Alter. Ce n’est pas un subside, mais un investissement. Or, s’ils ont investi, cela veut dire que notre coopérative tient la route. Cela nous donne confiance et nous pousse à être pro-actifs. » À terme, le Pressoir d’Hortus pourrait accroître ses collaborations avec des agriculteurs et des petits indépendants du secteur. Mais aussi, pourquoi pas, servir de modèle à d’autres coopératives autour du verger. Juteux et fructueux.