Une première en termes de financement de l’économie sociale : 3 acteurs de la finance solidaire s’associent pour accompagner et accélérer la croissance de la coopérative Les Tournières. Dans ce cadre, un premier projet va voir le jour.

Les acteurs de la finance responsable et solidaire permettent aux entreprises qui mettent l’humain, l’environnement et la solidarité au centre de leurs activités, en lieu et place du profit, de trouver du financement en accord avec leurs valeurs. Ensemble, leur capacité à soutenir l’économie sociale est décuplée.

C’est bien ce qu’ont compris les trois acteurs de finance responsable et solidaire que sont NewB, W.Alter et F’in Common. Ensemble, ils ont octroyé à la coopérative Les Tournières, basée à Liège, une importante première ligne de crédit de plus de 1,3 millions d’euros.

Ce crédit permettra à la coopérative de réaliser ses ambitions à savoir intensifier son action et répondre de manière ambitieuse et rapide à un besoin criant en matière de logements décents pour une catégorie de personnes particulièrement fragilisées notamment suite à la crise sanitaire et environnementale actuelle.

Un premier projet commun

Créée en 2003, la coopérative immobilière « Les Tournières » est propriétaire d’une quinzaine de bâtiments qui ont tous comme objectif de mettre à disposition des logements ou des espaces pour des projets à impact social élevé.

Grâce à ce premier cofinancement et au soutien de la Wallonie via un appel à projets pour soutenir le logement de public fragilisé, la coopérative a pu acheter un bâtiment dans le quartier Saint-Léonard à Liège afin de permettre aux ASBL Infirmiers de rue et Thaïs de développer leurs activités dans ce quartier populaire de la cité ardente.

La première, « Infirmiers de Rue », est une organisation médico-sociale luttant pour la fin du sans-abrisme. Implantée depuis de nombreuses années à Bruxelles, cette association a récemment ouvert une antenne à Liège. Forte d’une méthodologie éprouvée d’insertion par le logement, l’association dispose de tous les outils pour développer un projet d’hébergement solide en cité Ardente.

Le bâtiment permettrait d’affecter tout le rez-de-chaussée à de nouveaux bureaux pour cette association.

La seconde, « Thaïs », a été initialement fondée pour soutenir des personnes actives dans le milieu de la prostitution à Liège.

Aujourd’hui, cette ASBL est plus largement tournée vers les familles en situation de précarité. D’une part, Thaïs propose une maison d’accueil pour les hébergements d’urgence et d’autre part, l’ASBL a le statut d’APL  (Association de Promotion du Logement) pour un suivi en logement de plus longue durée.

Dans le cadre de ce projet, les étages du bâtiment seraient dédiés à des logements pour les femmes victimes de violences conjugales ou une famille monoparentale composée d’une femme avec enfant(s). Ce public éprouve toujours aujourd’hui des difficultés d’accès au logement dans le grand Liège mais également en Wallonie.

Les femmes victimes de violences et plus particulièrement, de violences conjugales, avec un ou deux enfants en bas âge, se verront donc donner la priorité pour accéder à des logements sociaux par rapport à d’autres catégories de population. En tant que famille monoparentale plus élargie, la taille de leur ménage ne permet souvent pas de trouver des logements adéquats dans le parc public. Le focus de l’ASBL sur un public familial plus qu’isolé parait adéquat pour envisager l’installation dans un logement de grande taille.

Ce projet s’inscrit également dans le cadre d’un appel à projets en économie sociale visant à soutenir les coopératives immobilières dans l’acquisition de logement privatif en Wallonie à destination des femmes victimes de violences. Cet appel à projets, lancé en 2021 sous l’impulsion de la Ministre de l’Economie sociale, de l’Action sociale et des Droits des femmes, Christie Morreale, ambitionne de créer 102 nouveaux logements pour les femmes victimes de violences et leurs enfants d’ici fin 2022 en Wallonie. Il s’agit donc ici d’une des premières concrétisations de place en « semi-autonomie », c’est-à-dire du logement de post-hébergement d’urgence qui doit permettre aux femmes victime de violences de se reconstruire et s’autonomiser sur le long terme.

Franchir un palier

Ce type de co-financement est tout à fait innovant dans le secteur de la finance solidaire. Ce crédit tend à prouver que ses acteurs, en s’unissant, parviennent à porter des projets d’envergure avec une forte contribution sociale pour notre société.

Pour les Tournières, cette ligne de crédit permet de simplifier les demandes et d’éviter les questions de la finance classique, grille d’analyse dans laquelle la coopérative ne se reconnaît pas : on ne parle pas d’actionnaires mais de coopérateurs, ceux-ci ne sont pas rémunérés et investissent pour l’impact social du projet.

Pour F’in Common, la mise en commun des forces de la finance solidaire est un réel atout pour l’économie sociale. En effet, cette coopérative qui a pour objectif d’octroyer des crédits uniquement aux entreprises de l’économie sociale travaille régulièrement avec des partenaires financiers aguerris. Pour Charlaine Provost, directrice de F’in Common « la finance solidaire et l'économie sociale sont une chance unique de quitter les dérives de la finance classique. Nous sommes fiers de nous unir avec de tels partenaires pour contribuer au renforcement de cet écosystème. »

Pour la banque coopérative NewB, c’est une grande première. Il s’agit du tout premier crédit professionnel. Avec ce projet de co-financement, NewB tient ses engagements en soutenant l’économie sociale et une de ses 350 organisations membres historiques : les Tournières. Ce sont les valeurs d’inclusion et d’insertion sociale que NewB a voulu soutenir dans ce projet de crédit aux Tournières et indirectement à Infirmiers de rue et Thaïs. Le premier crédit d’une longue série pour la banque belge, éthique et durable.

Pour W.ALTER qui est déjà partenaire financier de la coopérative depuis ses débuts, ce dossier peut marquer un tournant dans le financement de l’économie sociale. Avec une mutualisation des moyens, les porteurs de projets peuvent franchir un palier en disposant de moyens plus importants pour réaliser leurs ambitions. W.ALTER espère en cela que les acteurs de l’économie sociale reverront encore à la hausse leur ambition et leur projet de croissance.