Utiliser des matériaux naturels et locaux pour bâtir un habitat écologique, sain et durable : tel est le défi que s’est lancé la coopérative Paille-Tech.

« La coopérative est née au départ d’une asbl, la Grappaille, qui avait pour objectif de sensibiliser les citoyens à la construction en paille et d’aider les autoconstructeurs à réaliser leurs projets », raconte Julien Lefrancq, administrateur de Paille-Tech. Mais très vite, nous nous sommes rendus compte que cela ne suffisait pas : nous ne nous adressions qu’à des convaincus, des gens prêts à construire eux-mêmes leur maison. Nous avons pensé que le marché allait permettre de donner ses lettres de noblesse à cette méthode de construction.

Une coopérative engagée

En 2009, sous l’impulsion de trois architectes et d’un autoconstructeur, Paille-Tech est devenue la première société coopérative de construction en Wallonie utilisant la paille comme isolant. « Venant de l’associatif, nous voulions garder un fond militant tout en menant une activité économique. Le modèle coopératif nous paraissait cohérent sur le plan philosophique, car il nous permettait de garder l’objet social – faire la promotion de la construction en paille – au coeur de nos objectifs », poursuit Julien Lefrancq.

Un démarrage grâce à l’apport de coopérateurs

D’un point de vue pratique, le modèle a également permis à ces passionnés de démarrer leurs activités avec un capital modeste. « Nous étions tous indépendants et au départ, nous n’avions pour ainsi dire que de la paille, de la terre et des râteaux... »

Une cinquantaine de coopérateurs extérieurs rejoindront l’aventure. Des sympathisants de la cause écologique, des acteurs de l’associatif, des investisseurs en quête de sens. « Les coopérateurs savent que c’est du capital à risque. Même s’ils n’ont pas envie de perdre leur argent, ils préféreraient le perdre pour un projet comme le nôtre plutôt que pour autre chose », analyse Julien Lefrancq. Grâce à eux, la coopérative parviendra à déployer au fil du temps les potentialités de ce modèle de construction innovant.

Un modèle qui casse les codes du secteur

Parmi les coopérateurs, Paille-Tech compte également ses ouvriers ou certains de ses sous-traitants. La prise de décision collective est, aux yeux de Julien Lefrancq, une donnée essentielle.

« La coopérative nous permet de conserver une horizontalité : chez nous, il n’y a pas de patron et chacun invente son métier. » Dans un secteur de la construction dominé par quelques grands acteurs, Paille-Tech propose non seulement une alternative au niveau de la méthode mais aussi au niveau de l’organisation interne. Au sein de la coopérative, il a ainsi été fixé que le plus haut salaire n’excéderait pas le double du salaire le plus bas

« Le modèle coopératif me paraît tout à fait pertinent pour faire évoluer le secteur, même si cela ne se fait pas sans difficulté. Par exemple, aujourd’hui, pour obtenir des marchés publics, il faut pouvoir afficher sa classe d’agrégation, laquelle correspond à un chiffre d’affaires mais aussi à un nombre d’ouvriers », explique Julien Lefrancq. « Cela nous a contraints à embaucher trois ouvriers, qui travaillaient auparavant comme indépendants. Ils ont conservé leur liberté d’horaire et nous continuons à travailler dans un esprit coopératif, mais cela donne une idée de l’écart entre le cadre existant et ce que propose la coopérative. » Julien Lefrancq en est pourtant persuadé : le modèle coopératif est par excellence celui qui permet « d’être créatif, d’innover, d’inventer. » La maison de demain, certes, mais aussi une nouvelle organisation du travail.